Prix d’art urbain Pébéo : à la rencontre de Yandy Graffer
À l’occasion de la 5e édition du concours international Mixed Media organisé par Pébéo, rencontre avec Yandy Graffer, l’un des 36 finalistes qui sera exposé sur Fluctuart du 29 mai au 13 juin prochain. L’artiste nous offre ici une plongée au cœur de son univers coloré, imprégné de ses origines péruviennes.
Peux-tu te présenter, ainsi que ta pratique artistique ?
Je suis Abrahan Portocarrero, alias Yandy Graffer, né en 1992 et originaire de Lima, au Pérou. J’ai commencé le graffiti en 2006. À l’époque j’utilisais surtout l’aérosol, avant de me lancer dans la réalisation de peintures murales de grande envergure. Après ça, ma formation à l’école des Beaux-Arts de Lima m’a permis de m’intéresser également à la xylogravure. Depuis, le bois est resté l’un des matériaux que j’affectionne particulièrement.
Mon travail en atelier est d’ailleurs la synthèse de tout ce que j’ai pu apprendre et découvrir durant mes années de pratique artistique. Je tends de plus en plus vers l’assemblage de matériaux. C’est d’ailleurs ce travail de techniques mixtes que l’on retrouve dans l’œuvre El futuro del fin de los tiempos.
Mon style est expressif et coloré. On remarque une suprématie de la ligne et des contours. Je suis depuis quelques temps concentré sur un nouvel univers, tourné vers une réflexion personnelle du sens de la vie.
Ton univers, par les personnages représentés et les couleurs utilisées, est une véritable invitation au voyage. Où puises-tu ton inspiration en tant qu’artiste ?
Mon inspiration principale est et restera le Pérou, ainsi que toute la vie que j’ai eue là-bas. Mon enfance, mes souvenirs, sont des éléments récurrents dans mes œuvres. On peut par exemple y retrouver de nombreuses allusions au monde maritime, car je suis issu d’une famille de pêcheurs. Ensuite, je pense que j’ai été énormément impacté par l’aspect cosmopolite de Lima, que je retrouve également au plus profond de moi-même. Je suis une personne pluriculturelle par mon parcours de vie. J’ai donc une culture péruvienne qui me vient de ma jeunesse, mais je me suis également intégré dans toutes les traditions qui font la culture française. Cela est dû au fait que je vive à Lyon depuis maintenant quatre ans.
Je m’inspire également beaucoup de la musique urbaine, et surtout de son évolution, des prémices à aujourd’hui : reggae, reggaeton, hip-hop, tout ce qui est en rapport avec la musique d’inspiration africaine. Enfin, et je pense qu’il s’agit d’une part que l’on observe énormément dans mes dernières œuvres, je m’inspire beaucoup de l’art, de la culture et des animés japonais. Avec mes études en gravure aux Beaux-Arts, j’ai commencé à étudier l’histoire de l’estampe japonaise et j’ai tout de suite été fasciné. Finalement que ce soit par mon enfance et les films d’animation que je regardais, par mes études, ou par mes projets futurs, tout finit par se lier avec le Japon, et ce, de manière presque inconsciente.
Que souhaites-tu exprimer à travers ton travail ?
J’aspire avant tout à faire connaître mon identité en tant que personne. Que ce soit mon enfance, ma vie passée à Lima, mes passions… toutes mes œuvres sont une clé de lecture de ma personnalité. Elles sont, chacune à leur manière, un morceau de réel de la vie de Yandy. Partant de cette base-là, j’ai alors créé un personnage qui me représente, il est mon alter ego. Il est ce que je suis, ce que j’aspire à être et ce que j’aime. Ce personnage c’est le pêcheur artisanal. Cela signifie énormément pour moi car il renvoie à ma famille, à mon grand-père qui était pêcheur au Pérou. Ce pêcheur, au-delà d’être une représentation de moi-même, est une allégorie de mon passé, de mon présent et de mon futur.
Qu’est-ce qui t’a poussé à candidater à ce prix ?
Tout d’abord, j’utilise énormément de produits Pébéo. Ensuite, j’ai été séduit par le fait que ce concours soit ouvert aux artistes utilisant des techniques mixtes, comme moi.
Peux-tu nous parler de la pièce El futuro del fin de los tiempos, l’œuvre présentée dans le cadre du prix ?
Cette œuvre est pour moi la représentation même de l’évolution de la vie. Le personnage féminin représente ma fille, Luz. Cela marque déjà une étape très importante de ma vie, et de mon évolution en tant que personne, mais surtout en tant que père. Elle a son pied sur une horloge : elle est la maîtresse du temps. De cette horloge sort un éclat qui semble propulser les matières de vie (petites formes sphériques avec des yeux, une bouche, etc), qui vont elles aussi évoluer avec le temps. À travers ce personnage, j’ai voulu illustrer le fait que le temps est un élément central de la vie. Si le temps s’arrête, alors il ne peut plus y avoir de futur, et donc plus d’évolution. Le fait qu’elle en soit la maîtresse signifie qu’elle est l’avenir.
À côté d’elle se tient le personnage du pêcheur, qui me représente, ainsi que mon identité personnelle avec ma manière de m’habiller : mes lunettes de soleil futuristes et tout ce qui peut exprimer mon identité propre. Il est mon alter ego. Associé à Luz, ces personnages symbolisent l’espérance, la vie. Toutefois, Luz brise l’horloge sur laquelle elle se tient, elle arrête donc le temps. Cette brisure du temps permet l’apparition d’une entité supérieure : entre la forme du soleil.
Les trois personnages qui suivent sont des références à mes souvenirs. Ils appartiennent aux domaines du rêve et de l’idéal. Ils sont le fruit de mon imagination.
Finalement, cette œuvre est la réunion de deux univers ; le premier, basé sur ma vie et proche de la réalité, et le deuxième, inspiré de mes rêves et de mes souvenirs. L’arrêt du temps plonge tous ces personnages dans une même dimension, dans laquelle ils peuvent enfin se rencontrer et échanger.
Tu as déjà participé à énormément d’événements au Pérou, ainsi qu’à Lyon plus récemment, quelles sont tes envies pour la suite ?
J’aimerais m’immerger encore davantage dans l’univers de l’art, et pouvoir réellement y évoluer. J’aimerais également me rapprocher encore plus du monde de l’estampe japonaise, avec pourquoi pas un voyage dans ce pays et une collaboration avec quelques artistes. Enfin, j’aimerais beaucoup pouvoir faire davantage d’expositions à Paris et dans toutes les capitales du monde. Étant issu du pluriculturalisme, j’aspire vraiment à découvrir de plus en plus de cultures, de coutumes et de techniques artistiques.
Plus d’informations sur le compte Instagram de Yandy Graffer.
Vous pourrez découvrir les travaux des 36 artistes finalistes du concours Mixed Media Pébéo dans une exposition inédite du 29 mai au 13 juin 2021 sur Fluctuart.
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